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Chapitre 2

  Chapitre 2

  Enzo se réveilla en sursaut, le corps couvert de sueur froide et l'esprit encore embrumé par les images de Verdun. Les premiers rayons du soleil filtraient à travers les rideaux de sa chambre d'enfance, chassant les ombres de la nuit mais pas celles qui s'étaient installées dans son esprit. Il resta immobile un moment, fixant les étoiles phosphorescentes collées au plafond depuis son adolescence, tentant de rationaliser ce qu'il avait vécu la veille.

  Ce n'était qu'un rêve, se répétait-il. Une hallucination provoquée par le chagrin, l'épuisement et une imagination trop fertile nourrie par des années d'études historiques. Pourtant, quand il se leva enfin et examina ses mains, il remarqua des traces de terre séchée sous ses ongles – une terre qu'il n'avait pas touchée dans le jardin de sa grand-mère.

  La maison était silencieuse lorsqu'il descendit l'escalier. Dans la cuisine, il trouva un mot de Mireille indiquant qu'elle était partie faire des courses au village avec une voisine. "Prends ton temps pour le petit-déjeuner. Je serai de retour vers midi." L'écriture de sa grand-mère, habituellement si assurée, trahissait une légère fragilité.

  Enzo prépara un café qu'il but debout, le regard perdu vers le jardin baigné de la lumière dorée du matin. Les pensées tournoyaient dans son esprit. Devait-il parler à quelqu'un de ce qu'il avait vécu? à Mireille? à un médecin, peut-être? L'idée lui parut immédiatement absurde. "Bonjour, docteur, j'ai lu une lettre écrite en 1916 et je me suis retrouvé à Verdun en pleine Grande Guerre." On l'internerait sur-le-champ.

  Non, avant de faire quoi que ce soit, il devait comprendre. Et pour comprendre, il devait retourner au grenier.

  La pièce semblait différente à la lumière du jour. Plus ordinaire, moins mystérieuse. Le bureau où il avait trouvé la lettre était exactement comme il l'avait laissé la veille. L'enveloppe de cuir marquée "Les Lettres de l'Oubli" était toujours là, ainsi que la lettre de 1943 qu'il avait mise de c?té.

  Enzo s'assit dans le fauteuil de son grand-père et examina attentivement cette nouvelle lettre. Le papier était d'une qualité surprenante pour l'époque de l'Occupation, légèrement plus épais que celui de la lettre de Verdun. L'écriture était fine, élégante, celle d'une personne éduquée.

  "10 novembre 1943, Lyon", indiquait l'en-tête. "Mon très cher frère," commen?ait le texte.

  Enzo hésita. était-il prêt à revivre l'expérience de la veille? Si ces lettres avaient vraiment le pouvoir de le transporter dans le passé, il s'apprêtait à plonger dans l'une des périodes les plus sombres de l'histoire fran?aise.

  Il prit une profonde inspiration et commen?a à lire à voix haute.

  "Mon très cher frère,

  J'espère que cette lettre te parviendra malgré les difficultés que nous connaissons tous. La situation à Lyon devient chaque jour plus dangereuse. Les rafles s'intensifient, et notre réseau doit redoubler de prudence. Hier encore, nous avons appris l'arrestation de Marcel et Lucie. Je crains qu'ils ne parlent sous la torture, bien que tous ignorent l'emplacement de notre imprimerie.

  Nous avons réussi à faire passer trois familles en Suisse la semaine dernière. Les enfants étaient si jeunes, André, si jeunes et déjà marqués par tant de souffrance. La petite Sarah, sept ans à peine, m'a donné son étoile jaune avant de partir. 'Pour ne pas l'oublier', m'a-t-elle dit. Comment pourrait-on jamais oublier?"

  La voix d'Enzo tremblait légèrement tandis qu'il poursuivait sa lecture. Les mots évoquaient avec une précision déchirante le quotidien d'une résistante dans la France occupée. Marie Laurent, l'auteure, décrivait les opérations clandestines de son groupe, la fabrication de faux papiers, les caches improvisées, la peur constante d'être dénoncée.

  Comme la veille, Enzo sentit progressivement une étrange sensation l'envahir. Le grenier semblait s'estomper autour de lui, les sons extérieurs s'atténuèrent jusqu'à dispara?tre complètement. Une odeur de charbon et d'humidité rempla?a celle des vieux livres. La lumière changea, devenant plus grise, plus froide.

  Lorsque sa vision s'éclaircit à nouveau, Enzo n'était plus dans le grenier.

  Il se trouvait dans une petite pièce aux murs défra?chis. Une seule fenêtre, partiellement occultée par un rideau épais, laissait filtrer une lumière pale. La pièce était spartiatement meublée: un lit étroit, une table en bois usé, deux chaises, une armoire bancale. Sur la table, une machine à écrire ancienne c?toyait des piles de papiers et plusieurs encriers.

  Une jeune femme était assise devant la table, penchée sur un document qu'elle étudiait avec attention. Elle ne devait pas avoir plus de trente ans. Ses cheveux bruns étaient coupés court, de fa?on pratique plut?t qu'élégante. Son visage, d'une beauté discrète, était marqué par la fatigue, mais ses yeux vifs reflétaient une détermination inébranlable.

  Marie Laurent, comprit immédiatement Enzo.

  Comme à Verdun, personne ne semblait le remarquer. Il était un observateur invisible, un fant?me dans ce fragment d'histoire.

  Marie repoussa le document et se leva, s'étirant pour soulager ses muscles crispés. Elle s'approcha de la fenêtre et écarta légèrement le rideau pour regarder dehors. Son corps se tendit soudain, et elle laissa retomber le tissu précipitamment.

  "Ils sont là," murmura-t-elle.

  Enzo s'approcha à son tour de la fenêtre et risqua un regard. Dans la rue grise et humide, deux hommes en pardessus sombres se tenaient immobiles, observant l'immeuble. Même sans leurs uniformes, il était facile de reconna?tre la Gestapo ou la Milice à leur posture rigide et à leur fa?on de scruter les passants.

  Marie se mit à rassembler rapidement les papiers sur la table. Ses gestes étaient précis, méthodiques, suggérant qu'elle avait répété cette procédure d'urgence de nombreuses fois. Elle souleva une lame du parquet sous le lit et y glissa plusieurs documents, puis remit la planche en place avec une habileté née de la pratique.

  Des coups violents retentirent à la porte d'entrée de l'immeuble, suivis de cris et du bruit de bottes dans l'escalier. Marie s'immobilisa un instant, son visage reflétant non pas de la peur, mais une sorte de résignation mêlée de détermination.

  Elle se dirigea vers l'armoire, l'ouvrit et en sortit un petit pistolet qu'elle glissa dans la poche de sa jupe. Puis elle saisit un briquet et approcha la flamme des derniers papiers restés sur la table. Le feu prit rapidement, consumant les preuves de ses activités clandestines.

  Les pas se rapprochaient dans le couloir. Marie ouvrit la fenêtre et regarda en bas. Trois étages, une chute mortelle. Pas une option.

  Les coups à la porte de l'appartement résonnèrent comme un coup de tonnerre. "Ouvrez! Police fran?aise!"

  Marie jeta les cendres des documents br?lés par la fenêtre et referma celle-ci calmement. Elle ajusta sa tenue, passa une main dans ses cheveux courts et se dirigea vers la porte d'une démarche presque nonchalante.

  Impuissant, Enzo voulut crier, l'avertir, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il était condamné à observer, spectateur d'une tragédie dont il connaissait déjà l'issue probable.

  Marie ouvrit la porte. Trois hommes se tenaient devant elle, deux en civil et un en uniforme de la Milice fran?aise.

  "Marie Laurent?" demanda l'un des hommes en civil, un individu au visage maigre et au regard froid.

  "Oui, c'est moi," répondit-elle avec un calme surprenant.

  "Vous êtes en état d'arrestation pour activités terroristes et intelligence avec l'ennemi."

  Un sourire ironique se dessina sur les lèvres de Marie. "Intelligence avec l'ennemi? C'est plut?t vous qui collaborez avec l'occupant, non?"

  Le coup partit avant même qu'Enzo ne puisse réagir. Le milicien frappa Marie au visage, l'envoyant valser contre le mur. Du sang perla à la commissure de ses lèvres, mais elle ne baissa pas les yeux.

  "Fouillez l'appartement," ordonna l'homme de la Gestapo. "Et vérifiez sous le plancher. Ces rats cachent toujours leurs saletés sous les lattes."

  Enzo sentit son sang se glacer. Comment savaient-ils? Qui avait parlé?

  Alors que les hommes commen?aient leur fouille méthodique, détruisant le peu de mobilier, une voix s'éleva depuis l'escalier.

  This story is posted elsewhere by the author. Help them out by reading the authentic version.

  "Monsieur Keller! Venez voir ce que j'ai trouvé en bas!"

  L'homme de la Gestapo – Keller – sortit de l'appartement. Le milicien resta à surveiller Marie, son arme pointée négligemment vers elle.

  Marie croisa le regard d'Enzo. Pendant un instant terrible, il eut la certitude absolue qu'elle le voyait. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement, une expression de surprise traversant son visage, rapidement remplacée par une détermination renouvelée.

  D'un geste vif, elle sortit le pistolet de sa poche et tira. Le milicien s'effondra, touché à la poitrine. Sans hésiter, Marie bondit vers la porte, enjamba le corps et disparut dans le couloir.

  Des cris retentirent. Un coup de feu, puis un autre. Enzo se précipita à sa suite, traversant étrangement le corps du milicien comme s'il n'était qu'un hologramme.

  Dans l'escalier, le chaos régnait. Marie dévalait les marches, poursuivie par Keller qui tirait frénétiquement dans sa direction. Au deuxième étage, elle sauta par-dessus la rampe, atterrissant un niveau plus bas avec une agilité surprenante.

  Enzo la suivait, flottant presque dans l'espace, comme si les lois de la physique ne s'appliquaient plus totalement à lui. Il voulait l'aider, la prévenir du danger, mais ne pouvait qu'observer, le c?ur battant à tout rompre.

  Marie atteignit le rez-de-chaussée et se dirigea vers l'arrière du batiment. Une porte de service donnait sur une cour intérieure. Keller, toujours à sa poursuite, hurlait des ordres en allemand à ses hommes restés à l'extérieur.

  La cour était entourée de hauts murs, sans issue apparente. Marie semblait piégée. Elle se retourna, dos au mur, le pistolet braqué vers l'entrée, attendant ses poursuivants.

  Keller apparut le premier, son arme levée. "C'est fini, Mademoiselle Laurent," dit-il en fran?ais avec un accent prononcé. "Rendez-vous, et peut-être pourrons-nous négocier."

  "Je ne négocie pas avec des bourreaux," répondit-elle, le regard br?lant de défiance.

  Keller fit un pas vers elle. "Nous savons pour l'imprimerie. Nous savons pour les passages vers la Suisse. Vos amis ont parlé, Marie. Tous ont parlé."

  Une ombre de doute traversa le visage de la jeune femme, rapidement remplacée par une résolution renouvelée. "Même si c'était vrai, je ne vous dirai rien."

  "Vous n'aurez pas le choix," répliqua Keller avec un sourire glacial. "à Montluc, tout le monde finit par parler."

  Marie jeta un regard rapide vers le ciel. Suivant son regard, Enzo aper?ut un symbole dessiné à la craie sur le mur de la cour: une constellation d'étoiles, la Grande Ourse, identique à celle qu'il avait vue sur la lettre de Verdun.

  Ce n'était pas un hasard.

  Un bruit attira soudain l'attention de tous. Une fenêtre s'ouvrit au premier étage, et un objet en tomba, roulant aux pieds de Keller. Une grenade.

  "Attention!" hurla l'Allemand en se jetant en arrière.

  L'explosion fut assourdissante dans l'espace confiné de la cour. La poussière et les débris emplirent l'air, créant un rideau impénétrable. Enzo, que l'explosion avait traversé sans l'affecter, vit une silhouette se détacher de la fumée. Un homme jeune, vêtu d'un bleu de travail, tendait la main à Marie.

  "Vite, Marie! Par ici!"

  Elle s'élan?a vers lui. Ensemble, ils disparurent à travers une brèche dans le mur, dissimulée derrière des caisses empilées que l'explosion avait partiellement renversées.

  Enzo voulut les suivre, mais une force invisible semblait le retenir. La scène commen?ait à s'estomper, comme un film dont on baisserait progressivement la luminosité et le volume. Les sons de la poursuite, les cris des Allemands, le bruit des bottes sur les pavés s'éloignèrent jusqu'à dispara?tre complètement.

  Lorsqu'il rouvrit les yeux, Enzo était de retour dans le grenier, la lettre de Marie Laurent encore dans ses mains tremblantes.

  L'expérience avait été encore plus intense que celle de Verdun. Plus claire, plus longue, comme si sa capacité à percevoir le passé s'affinait. Il resta immobile un long moment, assimilant ce qu'il venait de vivre, les émotions contradictoires qui l'assaillaient.

  Admiration pour le courage de Marie. Horreur face à la réalité brutale de l'Occupation. Fascination devant ce phénomène inexplicable qui lui permettait de traverser le temps.

  Et surtout, interrogations sur le sens de tout cela. Pourquoi ces lettres? Pourquoi ces périodes spécifiques? Quel était le lien avec son grand-père?

  Enzo relut attentivement la fin de la lettre, que sa "visite" dans le passé avait interrompue.

  "P.S. Si jamais ce message tombait entre de mauvaises mains, rappelle-toi que notre constellation guide vers le refuge. 1920, la ville où les morts dansent encore."

  Il fron?a les sourcils. Encore cette constellation, la Grande Ourse. Et visiblement, un indice pointant vers la prochaine lettre. "La ville où les morts dansent encore" en 1920...

  Enzo se leva et parcourut les étagères jusqu'à la bo?te marquée "L.O." Il l'ouvrit à nouveau et fouilla parmi les lettres soigneusement rangées par ordre chronologique. Il trouva celle datée de 1920, expédiée de la Nouvelle-Orléans. La ville du jazz, de la prohibition naissante, et du culte vaudou où, selon la croyance populaire, les morts pouvaient "danser encore" lors des rituels.

  Le lien se confirmait. Ces lettres formaient une sorte de parcours, un itinéraire à travers le temps. Et chacune contenait un indice menant à la suivante.

  Il allait replacer la lettre de Marie Laurent dans son enveloppe protectrice quand il remarqua quelque chose d'étrange sur le papier. Une inscription qui n'y était pas avant son "voyage", comme si elle était apparue pendant son absence. Une fine écriture à l'encre violette, différente de celle de Marie, inscrite en diagonale dans la marge:

  "Il m'observe aussi. Le témoin invisible. E.T., 2022?"

  Enzo sentit un frisson glacé parcourir son échine. E.T. – Enzo Talep. 2022, l'année en cours. Marie l'avait vu. Elle avait écrit pour lui, sachant d'une fa?on ou d'une autre qu'il lirait sa lettre presque quatre-vingts ans plus tard.

  Ce n'était plus simplement un voyage dans le passé. D'une certaine manière, le passé réagissait à sa présence, créant une connexion qui transcendait le temps.

  Le bruit d'une porte qui s'ouvre au rez-de-chaussée le tira de ses réflexions. Mireille était rentrée. Il rangea précipitamment la lettre et descendit, l'esprit encore bouleversé par sa découverte.

  Sa grand-mère déposait des sacs de courses sur la table de la cuisine. Son visage s'éclaira en le voyant.

  "Tu as bien dormi?" demanda-t-elle avec sollicitude.

  "Pas vraiment," admit Enzo. Il hésita un instant avant d'ajouter: "Mamie, est-ce que Papi t'a déjà parlé d'une certaine Marie Laurent? Une résistante pendant la guerre?"

  Mireille s'immobilisa, une bo?te de conserve à la main. Une expression étrange traversa son visage – surprise, reconnaissance, et quelque chose qui ressemblait à de la méfiance.

  "Où as-tu entendu ce nom?" demanda-t-elle d'une voix soudain plus basse.

  "Dans le grenier. J'ai trouvé des lettres..."

  Mireille posa lentement la bo?te sur la table. "Je vois. Tu as commencé à lire les lettres." Ce n'était pas une question, mais une constatation, prononcée avec un mélange de résignation et d'appréhension.

  "Tu les connais," dit Enzo, de plus en plus intrigué par la réaction de sa grand-mère.

  Mireille s'assit, soudain l'air plus agée et plus fragile. "Ton grand-père m'en a parlé, oui. Marie était... une amie de la famille de Jean. Elle a disparu pendant la guerre. On n'a jamais su ce qu'elle était devenue."

  Enzo s'assit en face d'elle, sentant qu'il y avait bien plus à cette histoire que ce que Mireille voulait bien lui dire.

  "Et les lettres? Tu sais ce qu'elles font?"

  Un long silence s'installa. Mireille semblait lutter intérieurement, pesant chaque mot de sa réponse.

  "Je sais ce que Jean pensait qu'elles faisaient," dit-elle finalement. "Il les appelait 'les témoignages'. Il disait qu'elles permettaient de... voir des choses. Des moments du passé."

  "Les as-tu lues?" demanda Enzo, le c?ur battant.

  Mireille secoua la tête. "Non. Jean ne voulait pas que je... Il disait que c'était trop dangereux, que certaines personnes ne pouvaient pas revenir." Elle leva les yeux vers lui, son regard soudain intense. "Enzo, quoi que tu aies vu ou cru voir, tu dois être prudent. Ces lettres ont obsédé ton grand-père pendant des décennies. Parfois, je me demandais s'il n'avait pas..."

  Elle s'interrompit, mais Enzo compléta mentalement sa phrase. S'il n'avait pas perdu la raison.

  "Je suis allé à Verdun," dit-il simplement. "Et aujourd'hui, j'ai vu une résistante échapper à la Gestapo à Lyon. C'était réel, Mamie. Aussi réel que toi et moi en ce moment."

  Mireille porta une main à sa bouche, étouffant une exclamation. "Alors c'est vrai," murmura-t-elle. "Toutes ces années, j'ai pensé que c'était son imagination, ou... ou une fa?on de gérer ses traumatismes de guerre."

  "Tu ne l'as jamais cru?" demanda Enzo, surpris.

  "Comment aurais-je pu?" Elle eut un petit rire sans joie. "Voyager dans le temps en lisant des lettres? ?a semblait si..."

  "Fou," compléta Enzo. "Je sais. Je n'y aurais pas cru non plus si je ne l'avais pas vécu."

  Un silence s'installa entre eux, chargé de non-dits et de questions sans réponses.

  "Il y a autre chose," dit finalement Enzo. "Quelque chose d'étrange. Marie m'a vu. Elle a écrit un message pour moi, avec mes initiales et l'année actuelle."

  Cette fois, Mireille ne sembla pas surprise. "Jean disait que ?a arrivait parfois. Que certaines personnes dans le passé pouvaient sentir sa présence. Il appelait ?a 'la convergence'."

  "Et ?a signifie quoi?"

  "Je ne sais pas exactement. Il disait que c'était important, que c'était la raison pour laquelle il devait continuer." Elle hésita. "Enzo, ces dernières semaines, avant... avant de partir, ton grand-père était très agité. Il parlait beaucoup des lettres, disait qu'il devait terminer quelque chose, qu'il avait fait une découverte capitale."

  Enzo se pencha en avant, captivé. "Quelle découverte?"

  "Il n'a jamais voulu me le dire clairement. Mais il répétait souvent une phrase: 'Le cercle doit être fermé.'" Mireille prit les mains d'Enzo dans les siennes. "Je crois qu'il voulait que tu continues ce qu'il avait commencé. C'est pour ?a qu'il t'a laissé les lettres."

  Enzo sentit le poids de cette responsabilité s'abattre sur ses épaules. Une mission dont il ignorait encore la nature et la portée, transmise par son grand-père au-delà de la mort.

  "Je vais continuer à lire les lettres," dit-il avec une détermination nouvelle. "Je vais comprendre ce que Papi a découvert."

  Mireille serra ses mains plus fort. "Sois prudent, mon chéri. Jean disait que plus on s'enfonce dans ces voyages, plus il devient difficile de... de rester ancré dans le présent."

  Ses paroles résonnèrent comme un avertissement solennel, mais Enzo savait déjà qu'il ne pouvait plus reculer. Les lettres l'appelaient, le passé lui ouvrait ses portes, et quelque part à travers le temps, des indices attendaient d'être découverts.

  Le jeune professeur d'histoire était devenu un voyageur temporel, et son véritable voyage ne faisait que commencer.

  Sur la table de la cuisine, son téléphone vibra, le ramenant brutalement au XXIe siècle. Un message de Sophie Valnier, sa collègue historienne:

  "Désolée pour ton grand-père. Je passe demain comme promis pour t'aider avec les papiers. J'ai aussi trouvé des infos sur la Nouvelle-Orléans des années 20 pour ton cours. Bizarre que tu t'y intéresses soudain. à demain."

  Enzo fixa l'écran, stupéfait. Il n'avait jamais mentionné la Nouvelle-Orléans à Sophie. était-ce une co?ncidence? Ou y avait-il d'autres forces à l'?uvre, tissant une toile complexe à travers le temps et l'espace, reliant des personnes et des événements d'une fa?on qui défiait toute logique?

  Il leva les yeux vers le plafond, comme s'il pouvait voir à travers les étages jusqu'au grenier où l'attendaient les lettres restantes. La lettre de la Nouvelle-Orléans. La prochaine étape de son voyage.

  Le cercle devait être fermé.

  Mais d'abord, il devait comprendre ce qu'était véritablement ce cercle et pourquoi il était si important pour son grand-père... et maintenant pour lui.

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